Commençons par tordre le coup à quelques idées reçues ou véhiculées dans les médias, qui ont pu émettre l’hypothèse que les écomusées et musées de société, dans un contexte de crise existentielle, se tourneraient vers la création par conviction, effet de mode ou opportunisme.
Eh bien non, la rencontre entre les écomusées et musées de société et la création contemporaine n’est pas récente, qu’il s’agisse des arts
visuels, scéniques ou de l’écriture.
Sans remonter aux sources des musées d’ethnographie, où la main de l’artiste pouvait être déjà bien présente, rappelons l’appétence de la figure tutélaire de Georges Henri Rivière pour les artistes de son temps. L’exposition Voir, c’est comprendre, présentée au Mucem en 2018-19 montrait les connivences et les amitiés, les inspirations du muséologue, également musicien, mais aussi fin observateur de la société : il portait l’idée d’un musée inscrit dans son temps, avec tout ce qu’apportent les années folles, de l’art moderne au jazz et à la mode, de la photographie et du cinéma au music-hall, et comment cela peut rejaillir dans le musée ¹.
Aussi, le choix de faire du lien entre création contemporaine et musée de société s’est naturellement imposé comme légitime pour conclure ce cycle de rencontres consacré à la muséographie, après les deux éditions précédentes portant sur l’engagement et les héritages.
Cette rencontre, si elle s’inscrit dans la durée, dans le projet du musée, est riche de sens. À la différence d’un musée d’art où la création actuelle constitue généralement l’aboutissement naturel d’un propos, cette rencontre revêt, par la confrontation avec des objets relevant d’autres domaines, une autre valeur, discursive. Qu’attendons-nous donc de celle-ci ? S’agit-il de prolonger l’utopie de l’approche pluri ou transdisciplinaire des écomusées, de mettre en perspective nos collections ou de tisser des liens entre les objets et savoir-faire d’hier et ceux d’aujourd’hui ?
L’enquête lancée courant 2022 auprès du réseau sur le sujet, à laquelle un quart des adhérents a répondu, nous montre que les motivations varient selon les musées. Elles sont intimement liées à leur projet scientifique et culturel, leur territoire, et des formes d’actions spécifiques à chacun en découlent. Toutefois, quelques indicateurs nous montrent des tendances de fond : plus des trois quarts des répondants affirment réaliser des acquisitions dans le champ de la création, par don, achat, commandes ou résidences. Les formes artistiques couvrent un large champ, de la photographie à des œuvres monumentales qui prennent part à la scénographie. La mobilisation du corpus de collection est aussi souvent citée comme source d’inspiration pour les artistes : n’est-ce donc pas aussi un héritage de notre famille muséale à mieux assumer voire revendiquer, car au moment de leur création, de nombreux musées d’art et traditions populaires avaient été pensés comme des répertoires formels à même d’inspirer la création, voire d’en raviver le souffle.
En miroir de notre propre démarche, de nombreux artistes défendent le lien qu’ils souhaitent nouer avec un territoire, son histoire, ses habitants. Leurs créations se veulent souvent des révélateurs et leur démarche témoigne d’un engagement, rejoignant, par certains aspects, celui que nous défendons au sein du réseau.
Les textes rassemblés ici prolongent les échanges fructueux noués à l’occasion des Rencontres Professionnelles de la FEMS 2023 dans le Parc naturel régional des Vosges du Nord. Que tous les auteurs et autrices, ainsi que le comité éditorial soient chaleureusement remerciés de leur contribution.
Céline Chanas
Directrice du Musée de Bretagne
Vice-Présidente de la FEMS
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¹ Visite virtuelle de l’exposition Voir, c’est comprendre, https://www.mucem.org/programme/exposition-et-temps-forts/georges-henri-riviere