Face à la polémique déclenchée autour de l’exposition Celtique ? la FEMS soutient fermement la position du musée de Bretagne et sa légitimité à interroger les questions d’identités en s’appuyant sur les acquis scientifiques de la recherche en histoire et en sciences humaines et sociales. Le texte récemment co-signé par une trentaine de chercheurs de l’université de Rennes 2 argumente également en ce sens. Retrouvez ci-dessous la tribune « L’histoire n’est pas un drapeau ». 

L’histoire n’est pas un drapeau.
A propos de la polémique autour de l’exposition « Celtique ? »

La publication du catalogue de l’exposition « Celtique ? », nourri de propos plus riches et plus argumentés que les cartels d’une exposition temporaire, permettra-t-elle de retrouver la raison et la sérénité dans une polémique trop souvent polluée par les passions identitaires ? L’introduction et la conclusion de l’ouvrage, justes et équilibrées, le laissent espérer. C’est en tout cas l’occasion pour nous, historiens et historiennes de l’université Rennes 2, chercheurs et chercheuses en sciences sociales, engagés depuis longtemps dans une collaboration fructueuse avec le Musée de Bretagne et les Champs Libres à travers notamment les « Rencontres d’Histoire », de rappeler quelques principes.

L’histoire n’est pas un savoir figé. Elle ne cesse de se renouveler à l’aune des nouveaux questionnements de la recherche, de la découverte de nouvelles sources, du constant réexamen de savoirs accumulés qui n’ont pas à être canonisés. C’est sa vocation, dût-elle pour cela déranger, ébranler quelques certitudes et susciter, parfois, un certain inconfort.

Une exposition, comme un Musée de manière plus large, soutenus et accompagnés dans leur tâche par un conseil scientifique, ont pour vocation de se faire le relais de ces évolutions et de ces interrogations pour en faciliter la diffusion auprès d’un large public et l’appropriation par les citoyens. Une exposition peut bien sûr susciter le débat et la critique, comme toute proposition scientifique ou culturelle ; c’est même la règle. Mais le principe de discussion doit s’imposer et, en dehors de questions de légalité, aucun censeur ne devrait se croire en droit d’exiger le retrait ou la correction d’une exposition qui lui déplaît.

L’étude de la fabrique des identités « nationales » relève des mêmes processus, que ces identités se déploient dans un contexte étatique ou régional. La rareté ou l’absence de sources écrites la rend seulement plus difficile pour les périodes anciennes et a pu conduire par le passé, aux yeux de la recherche actuelle, à surévaluer les apports de la culture matérielle, de la linguistique ou des sources tardives. Le fait que les identités soient construites (dans la longue durée) autant qu’héritées, qu’elles puissent être choisies et non seulement reçues, que les logiques d’affiliations concurrencent les logiques de filiations, ne les prive pas de réalité historique, mais rend cette réalité infiniment plus complexe, et du coup bien plus intéressante qu’un simple slogan. L’histoire n’est pas un drapeau.

La Bretagne ne s’est jamais réduite, ni politiquement, ni culturellement, à sa partie bretonnante ou à ses segments se revendiquant d’une culture « celtique ». Ses frontières ont longtemps varié. Comme toute région, elle a toujours été traversée par une pluralité d’influences et de réappropriations qui ont façonné à la fois sa singularité et ses interactions avec le monde, lequel s’étend sur le continent autant qu’outre-Manche. Oserons-nous d’ailleurs rappeler que dans l’Antiquité, le reste de la Gaule (parmi bien d’autres espaces) fut également « celtique » ?

La Bretagne n’a pas intérêt à oublier sa complexité et sa diversité, ni les Bretons à être privés de ces riches et stimulantes interrogations.

Florian Mazel, Christophe Badel, Marc Bergère, Guillaume Blanc, Fanny Bugnon, Marcel Calvez, Marie-Madeleine de Cevins, Alain Croix, Pierre Derrien, Cédric Fériel, Samuel Gicquel, Dominique Godineau, Gilles Gorre, Eva Guillorel, Philippe Hamon, Pierre-Yves Laffont, Yann Lagadec, Jean Le Bihan, Erwan Le Gall, Patricia Legris, Jean-Pierre Lethuillier, Solenn Mabo, Franck Mercier, Daniel Pichot, Isabelle Rosé, Jacqueline Sainclivier, Christophe Vendries, Magali Watteaux

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