Pourquoi : Cette action a démarré par une rencontre et des volontés. En effet, le musée a accueilli une personne en visite individuelle au musée des sapeurs-pompiers en janvier 2014. Il s’avère que cette personne est éducatrice à l’EPM de Meyzieu. Après une visite guidée, nous avons échangé sur nos structures. A cette période, je démarrais les actions « hors les murs » en direction des publics empêchés. Un projet était en cours de validation en direction des enfants hospitalisés « Opération Pin-Pon ». Après cette expérience réussie, j’ai repris contact avec cette personne de l’EPM pour envisager un projet éducatif et citoyen. Je me suis entourée d’un collègue sapeur-pompier qui durant ces jours de repos, pratiquait des ateliers d’écritures à l’EPM. N’ayant jamais pratiqué ce public, j’ai suivi durant 5 jours à Agen, à l’ENAP (école d’administration pénitentiaire) une formation dispensée par le ministère de la culture et consacrée notamment à la culture dans les prisons. A cette occasion j’ai pu non seulement appréhender le milieu pénitencier, également échanger avec des éducateurs, surveillants etc. C’est durant cette semaine de formation que j’ai pu écrire le projet qui s’est intitulé « la courte-échelle ». Il est important de souligner que j’ai mis une année entière, en 2015, pour faire valider le bien fondé du projet auprès de ma hiérarchie (pompiers, culture et bénévoles), rassurer et donner des garanties budgétaires. Par ailleurs, avant de commencer mes actions, j’ai aussi suivi une formation en observation auprès des sapeurs-pompiers de Lyon confrontés à une constante violence urbaine. Il m’a semblé nécessaire d’échanger avec eux sur ce phénomène récurrent. Principe : La courte-échelle, comme son nom l’indique, est un concept original qui vise à procurer une aide physique ponctuelle à une personne en vue de l’aider à s’élever. Dans notre cas, cette aide se concrétise autour de trois axes : – Faire découvrir le métier de sapeurs-pompiers à travers son histoire – réconcilier le jeune avec une autorité qu’il côtoie dans son quotidien – Faire passer le PSC1 (brevet de secourisme) – Travailler ensemble sur une production artistique – Restituer l’ensemble des actions à travers un court-métrage. L’équipe de la courte-échelle est composée de 3 sapeurs-pompiers professionnels, 2 éducateurs, un professeur de français et intégré dans l’EPM, un vidéaste et moi-même. Cette action s’est réalisée sur le volontariat. 5 jeunes incarcérés se sont proposés pour suivre les 2 premières actions. Pour l’atelier artistique, une jeune fille s’est rajoutée et des 5 garçons, un seul a participé à une séance atelier artistique. Ce qui est une bonne moyenne dans le contexte carcéral avec des jeunes en total décrochage. Par ailleurs, à ma demande, les 5 garçons ont également travaillé avec leur professeur de français pour réaliser quelques productions textuelles sur l’idée de la grande-échelle. Ces textes ont été intégrés dans le court-métrage et la jeune-fille qui a contribué en grande partie aux séances artistiques, a prêté sa voix. Calendrier : 29 mars 2016 : découverte de l’histoire des sapeurs-pompiers et de son actualité atelier de 1 h 30 5, 7 et 8 avril : PSC1 séances couvrant 7 h de secourisme pour obtenir le diplôme 11 et 12 avril : séances accompagnées par l’équipe de la Courte-Echelle pour l’atelier d’art graphique. D’autres séances ont eu lieu après avec l’éducateur référent pour finir le travail. 13 juin : remise des diplômes, présentation du court-métrage, exposition de la production artistique. Objectif : – pour les publics ? Résultats attendus : il s’agit d’échanger, de faire découvrir et convaincre que la citoyenneté s’adresse à tous et au quotidien. C’est aussi montrer la bienveillance que l’on peut développer à travers un métier. A des jeunes en échec constant, classés comme perdus, ces actions ont pour objectifs de leur montrer que vouloir apprendre ces gestes de bienveillance, c’est donner un sens positif, même ponctuel à leur vie. Appeler le 18, rester auprès de la victime sont des signaux forts et encourageants. C’est aussi appréhender ce métier que l’on côtoie sans le connaître. C’est aborder ensemble et sans tabous la violence urbaine dont sont victime les sapeurs-pompiers même si l’objet de leur incarcération n’a rien à voir avec cette violence. Résultats imprévus : le groupe s’est montré sévère envers les délinquants qui s’attaquent aux sapeurs-pompiers et avaient une certaine compassion envers eux. A l’unanimité, ils avaient envie de bien faire. D’abord sur la défensive et méfiant, peu à peu, ils se sont appropriés les contenus, s’inquiétaient sur le dépassement d’une ligne lors de la production artistique, recommencer d’eux-mêmes le geste qui sauve s’ils jugeaient ne pas l’avoir bien fait. La cohérence et la cohésion de l’équipe musée/sapeur-pompier/éducateurs ont permis d’établir une confiance réciproque durant toutes les activités. Chose très rare, pour des raisons de sécurité, les éducateurs avec notre appui ont pu organiser à la fin des sessions de PSC1 un temps convivial avec un goûter. Friandises, brioches et sodas ont été appréciés dans un lieu où seule la somme allouée par les parents permet d’améliorer le quotidien du détenu. Et bien souvent, ils sont plutôt abandonnés durant leur peine. Le 13 juin lors de la remise des diplômes, deux jeunes étaient présents sur 5. 3 sont partis de l’EPM en raison de leur majorité pour rejoindre la prison pour adulte à Corbas ainsi que la jeune fille. C’est avec beaucoup d’émotion qu’ils ont reçu leur diplôme, et ont eu du mal à les remettre aux éducateurs. Ces derniers ont proposés aux jeunes, une photocopie pour qui puisse la conserver dans leur cellule. – pour le territoire ? – c’est un moyen pour valoriser des actions dans la commune de Meyzieu, située à l’Est de Lyon. C’est toujours compliqué pour une commune l’implantation d’un tel établissement et valoriser la structure autour d’actions citoyennes avec les sapeurs-pompiers est un moyen d’aborder avec ses administrés ce lieu souvent considéré comme tabou. – pour la structure ? – plusieurs points de valorisation : – déployer des actions envers les publics empêchés et répondre à la loi de 2002 concernant les musées de France. – Développer d’autres contenus citoyens en directions des groupes programmés au musée. Depuis, 2 ateliers ont été mis en place (secourir, entraider, alerter) et (apprendre à mesurer les risques chimiques au quotidien avec une notion forte d’entraide en cas d’ingestion et la bonne conduite à tenir) – Depuis les attentats de 2015, toutes les visites consacrées au jeune public de 8 à 17 ans intègrent la notion de l’usage du portable pour appeler les secours dans de bonnes conditions avec une mise en situation et une simulation de l’appel. Pas besoin d’avoir son PSC1 pour appeler les secours et être bienveillant envers la victime. Faire prendre conscience de la dimension humaine des sapeurs-pompiers. Ne faisant aucune distinction entre les personnes de conditions sociales favorisées ou pas, les origines, ou encore les croyances etc… Appeler les numéros d’urgence c’est déjà contribuer à l’apprentissage du vivre-ensemble. Resultat : Il est toujours difficile et présomptueux de se projeter et de mesurer jusqu’où cette action peut aider les jeunes incarcérés à mieux exercer leur citoyenneté. Mais il est certain, d’abord pour eux, que la remise officielle de ce diplôme par mes collègues sapeurs-pompiers en uniforme est un souvenir « heureux ». Un exemple : Parmi les jeunes qui ont obtenu le PSC1, j’avais repéré un jeune appliqué, assidu et très demandeur qui avait demandé à plusieurs reprises de participer aux ateliers pratiques. Il mettait beaucoup d’application pour stopper les hémorragies. J’ai appris par la suite qu’il avait été incarcéré pour tentative de meurtre à l’arme blanche.