L’exposition Picasso l’étranger visible jusqu’au 13 février 2022 au Musée National de l’Histoire de l’Immigration
Picasso est un mythe national en France. Depuis l’ouverture du Musée Picasso au cœur de Paris (1985), son œuvre a été pleinement intégrée à notre patrimoine. Pourtant il n’en a pas toujours été ainsi. Peu de gens savent qu’il n’est jamais devenu Français : le 3 avril 1940, il déposa une demande de naturalisation qui lui fut refusée et qu’il ne renouvela jamais.
Dès 1901, par erreur, Picasso avait été fiché par la police comme « anarchiste surveillé ». Pendant quarante ans, il fut considéré avec suspicion comme étranger, homme de gauche, artiste d’avant-garde. Jusqu’en 1949, son œuvre, pourtant célébrée dans le monde occidental, ne comprenait que deux tableaux dans les collections françaises. Mais son sens politique lui permit de naviguer avec aplomb dans un pays aux institutions obsolètes, il s’installa pour toujours dans le Midi, choisissant le Sud contre le Nord, les artisans contre les beaux-arts, la région contre la capitale.
En artiste global et étranger illustre, il devint un puissant vecteur de modernisation du pays. Picasso a donc toute sa place au Musée national de l’histoire de l’immigration. Mais la découverte de sa précarité cachée et des obstacles de son parcours ne nous renvoie-t-elle pas, en miroir, une image dérangeante de notre pays et de nous-mêmes ? Car cette exposition se veut aussi une radioscopie de la France, avec les rêves qu’elle inspire, les revers qu’elle inflige, les démons qui la travaillent.